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Jonathan Perret

Le Voyage ? C'est par où ?

8 Janvier 2015, 20:16pm

Publié par Jonathan Perret

Ecosse, où commence le voyage ? (format original en cliquant sur les images)Ecosse, où commence le voyage ? (format original en cliquant sur les images)Ecosse, où commence le voyage ? (format original en cliquant sur les images)

Ecosse, où commence le voyage ? (format original en cliquant sur les images)

Il est plus facile de décrire un voyage quand on sait quand il a commencé. A vélo le voyage démarre à la porte de la maison, le premier coup de pédale enclenche un mécanisme secret du cerveau. En voiture on a du mal à mettre une date, restent les instants.

Le premier bivouac, entre deux champs de colza bordés d'éoliennes dans le centre de la France ? Laurie, après avoir jeté pêle-mêle les affaires sélectionnées dans l'urgence dans le coffre, est venue me chercher à la douane de Moellesullaz. Une erreur dans mon planning m'a projeté du Lubéron sur l'autoroute, plein Ouest.

Première visite sur la route ? Thibaud nous héberge et nous montre Rouen pendant que nous finalisons les préparatifs. On boit une Délirium sur une table de bistro bleue avec un éléphant rose au centre, nous regardons défiler les passants sur les pavés de la vieille ville.

Nous prenons le ferry à 6h du matin, nous retrouvons l'odeur du sel sur le pont colorés du bateau. Je tente de dormir, le cou cassé sur un siège trop peu inclinable. Les yeux fermés, le mal de mer est plus supportable. Nous montons sur le pont pendant la longue approche vers le quai couvert d'algues vertes et brunes. Les hélices qui tournent à l'envers renvoient vers la surface de l'eau un nuage de vase. Les quais sont noirs, vétustes mais les maisons colorés qui les bordent nous invitent à prendre un peu de temps au retour pour les photographier.

Premières envies de photos, ça y est, le voyage ? Sur la colline, une rue étroite descend un chapelet de maisons toutes semblables vers la côte.

Après quelques hésitations sur les routes de campagne, nous prenons le pli et nous alignons à gauche, non sans pester contre le marquage au sol et les panneaux qui nous paraissent bien trop différents de nos habitudes. Nous ne saurions pas vraiment dire ce qui a changé mais ça y est, nous sommes bien ailleurs. Pour bien montrer la supériorité de notre code de la route français, nous inversons régulièrement les clignotants dans les ronds-points. Oups ! Coup de klaxonne, et oui, il faut regarder à droite en s'engageant.

Nous choisissons la méthode expresse. Un petit mois nous paraît court pour profiter des Highlands, l'autoroute nous propulse vers le Nord. D'une campagne monotone, nous passons aux collines cerclées de murets de la « border ». Le chien découvre son pays d'origine la truffe collé à la fenêtre. Les traces humides qui oscillent sur le verre marquent aussi sûrement les nids de poule qu'un sismographe. Sur les petites routes qui nous emmènent vers la rivière de notre premier campement outre-manche nous hésitons à utiliser notre pare-choc pour nous procurer un menu de faisan braisé. Il y en a presque autant que des moutons, et encore plus souvent au milieu de la route. Ils ont la posture de l'oiseau particulièrement surpris de découvrir à quoi ressemble la vie au grand air.

Le lendemain, après une nuit passée sur une petite péninsule survolée par des oies sauvages, nous montons vers Skye. Chaque soir nous goûtons au plaisir du « Right of way » écossais. Camping autorisé (presque) partout ! Comme en Irlande, nous retrouvons les contemplatifs motorisés. Ils arrivent après le repas du soir sur le parking, choisissent une vue dégagée, laissent éventuellement sortir le chien ou les enfants, mais eux profitent du confort des sièges, vitres fermées.

Nous passons quatre jours en itinérance, à marcher sur Skye. Nous traversons des landes orangées, des vallées violettes, longeons des falaises couvertes de pelouses rases, le vert qui ondule le long des crêtes découpe le bleu ciel intense de la mer en contrebas.

Le quatrième jour nous marchons deux heures dans une tourbière où chaque pas est une surprise. Bosse de mousse spongieuse, filet de bruyère élastique, herbe grasse ou boue noire. A 13h nos pantalons ont de la boue jusqu'au dessus du genou. Voila ce que veux dire cette ligne de points rouges sur la carte. Dans la légende : « Non-visible path ».

Le soir, nous sommes dans un pub d'Inverness, sur la côte opposée. En buvant une Red Kite, de la brasserie locale Black Isle, les bottes rouges de l'accordéoniste qui martèlent les planches résonnent avec notre marche forcée à travers le bog.

Django, à peiné aussi sous son sac de bât. Il porte 7 jours de croquettes, rations larges. Peut-être pas si large que ça finalement. Est-ce que l'itinérance au milieu des paysages sauvages de l'île ont réveillé ses instincts ? Il semble animé d'une faim lancinante. Au matin du premier jour, en rentrant de sa promenade matinale de 8h30, Laurie me demande ce que le chien à trouver à grignoter. Un peu surpris de le voir s'agiter autour d'une masse blanche indéterminée, je m'approche. Le prédateur en lui, refoulé depuis trop longtemps à trouvé un agneau de 15 jours pour le petit déjeuner. Rassurez-vous, l'agneau est mort depuis 15 jours ! Nous acceptons de mauvaise grâce ses léchouilles quand il revient près de la tente. Régulièrement il complète sa ration : cerf à moitié décomposé dans lac près de Camasunary, lapin écrasé à Portree ou lagopède momifié par le climat du Ben MacDui.

Nous sommes dans les Cairngorms maintenant. Massif granitique à deux profils. Presque toujours, les sommets ont un côté rond et doux, tandis que de l'autre les gullies écossais en défendent l'accès. En allant nous baigner dans un ruisseau qui tourne ses méandres entre les buissons de bruyère nous levons les fameuses grouses, comme sur les bouteilles de whisky. Régulièrement des ornithologues amateurs garent leur voitures non-loin de notre tente, en contrebas, les tétras commencent leur parade. Les forêts de vieux pins calédoniens sont pleines de cerfs et de chevreuils. Bientôt nous irons retrouver la côte, mais à l'Est. Avec un peu de chance nous verrons les premiers macareux de l'année.

 

Aviemore, 29 avril 2014