Avec Long John Silver, le temps de deux nuits.

13 Juin 2013, 20:58pm

Publié par Jonathan Perret

Samedi soir, en partant de Vannes, on oublie de prendre de l'eau pour se poser le soir. On a besoin de nos quatre bouteilles de 75 cl et de la poche à eau de deux litres. Pour la cuisine, le thé, la vaisselle, la minimaliste toilette et la gamelle du chien. Pas de toilettes publiques, pas même de cimetière, point de recharge habituel. On s'arrête donc chez une fleuriste au bord de la route. Bonne idée. Sympa, elle nous remplit nos bouteilles et quand on lui demande un coin sympa pour passer la nuit, elle sourit et nous parle de Sept-Îles.

- A Baden, vous suivez Locmiquel et ensuite vous cherchez Sept-Îles. Vous allez passer devant notre autre magasin, demandez à ma collègue si vous ne trouvez pas !

Elle nous marque tout ça sur un bout de papier et on repart.

Finalement Baden ça nous fait un peu loin, tant pis pour ce soir, on dort dans une crique avec le projet de rejoindre son petit coin de paradais pour le lendemain. Le matin, la marée vient lécher l'abside de la tente !

Dimanche matin, on trouve un supermarché ouvert, on achète des vivres et de l'eau pour deux nuits et en avant vers la côte. Nous trouvons facilement l'île, au bout d'une grande descente. L'endroit semble quand même assez connu. C'est la balade du dimanche. On ne se décourage pas et on pousse les vélos sur la bande de sable que la marée découvre.

Génial, c'est l'île des pirates. On se trouve un joli coin à l'écart du sentier entre de gros troncs abattus que personne n'a enlevé, et on commence la farniente.

Les deux journées passées là se partageront entre observation des oiseaux, photos, bouquinage et apéro avec dégustation de bière brassée à … l'eau de mer ! « Mor Braz , la bière Bretonne par excellence », c'est ce qui est écrit sur l'étiquette.

Mais le mieux dans tout ça, c'est quand l'eau remonte. Petit à petit, le sentier sablonneux qui fait le tour de l'île se vide et les derniers promeneurs se mouillent les pieds en revenant vers la route. Ça-y-est, on est maîtres du monde ! Après avoir jeté un dernier coup d'oeil pour être sûr que nous sommes seuls, on sort les bières et on va s'asseoir à l'entrée de l'île, face au pont-levis que la marée à remonté. Plus que nous, seuls, protégés par la marée, le sentiment est grisant. C'est tout un domaine dont nous avons la garde pour quelques heures. Garde partagée avec de nombreuses aigrettes, goélands, cormorans, hérons, ibis, corneilles et même une chouette qui assure le quart de nuit.

Dans notre dos, l'île remonte en pente douce vers l'Ouest. Un grand champ occupe toute la partie centrale et vient jusqu'à la plage Est. Autour du champ c'est presque la jungle, presque impraticable. Des grands thuyas se mêlent à des pins et des chênes. Les lierres se hissent vers la lumière en s'accrochant à l'écorce épaisse des arbres et, à l'abri, des fougères trouvent leur place, certaines aussi hautes que nous. On trouve aussi quelques aubépines, genêts et églantiers qui gardent férocement les lisières. Heureusement, autour de notre château sur la mer, il y a un petit sentier. On le parcourt en une dizaine de minutes. Sur presque tout le pourtour de l'île les talus bordant la mer sont escarpés, ce qui renforce encore le sentiment d'un chemin de ronde. Entre la mer et le sentier, des haies d'épineux ont poussé et des chèvrefeuilles, des géraniums, des graminées se sont mêlées formant une épaisse barricade. Régulièrement la haie s'arrête, le talus devient moins raide et on peut accéder aux rochers noirauds qui enserrent notre repaire. Nous sommes installés sur la partie Sud-Ouest. Presque la plus haute de l'île. Là, la jungle à été défrichée et une végétation rase couvre le sol entre les grands arbres qui nous font de l'ombre. Derrière le campement, au sommet, une autre clairière donne sur le champ fauché. Partout on trouve des ruines. Murs, peut-être pour d'anciens enclos, peut-être un four dans la clairière du sommet et une jolie baraque en pierre, encore très en état et sûrement habitée quelque-fois. Elle fait face au Nord, du côté où les talus sont les plus hauts. Son toit est à un pan est sa pente fait face aux embruns. Autour d'elle on a aménagé une terrasse en pierres recouverte de pelouse naturelle et un quai descend jusqu'au rivage. Elle n'a probablement qu'une pièce, une fenêtre et une porte. Cabane de pêcheur devenue cabane de rêveur.

Autour de nous, d'autres îles du même genre. Recouvertes d'une forêt épaisse d'arbres sombres, talus raides, instables où niches des Tadornes de Belon. Parfois cerclées d'un muret ou ornées d'une ruine. L'une d'elle à encore la proue d'un navire échouée sur sa plage. Une grande carcasse de bois rongée par les huîtres et les algues, d'où émerge encore un mât blanc.

On rêve aux pirates, aux embruns de l'hiver qui viendraient frapper aux carreaux d'une petite maison en pierre, on met des moutons dans le champ et on choisi les livres à mettre dans la bibliothèque.

Nous n'avons pas réussi à convaincre un poisson de s'accrocher à mon hameçon pour le déguster sur le feu de camp à côté de la tente mais nous avons passé deux jours avec Long John Silver, et demain, on rentre dans les terres suivre le Blavet jusqu'à Pontivy.

À Sept-Îles, le 10 juin.