Entre Shannon et Burren

Entre Shannon et Burren.

Ce soir j'écris les pieds dans l'herbe. Dans le gazon ras du Burren. Les fesses calées sur le tabouret, face à la mer qui vient glisser sur le calcaire déchiqueté par les éléments. L'eau salée s'infiltre dans les soucoupes, les failles, entre toutes les saillies laissées par la pluie qui à commencé le travail il y a quelques millions d'années. De l'autre côté du bras de mer les îles d'Aran nous font faces. Trois ou quatre soucoupes sombres en enfilade, aplaties sur la marée, entourées d'un halo rosé. Un rayon de soleil vient de temps en temps illuminé un coin d'océan. Mon pull Mérinos coupe le léger courant d'air qui nous rafraîchit depuis l'intérieur des terres. Le ciel est resté gris aujourd'hui, on à pu respirer un peu.

Autour de nous quelques fleurs plus aventureuses tentent une percée colorée entre les lapiaz et l'herbe à mouton. Les champs sont parsemés de taches roses, violettes, jaunes, …

Nous sommes passé par dessus l'un des murets de pierres sêches pour rapprocher le bivouac de la mer. La bouée de sauvetage, « steal a ringbuoy, steal a life ! », entre nous et la côte, donnait au passage comme une légitimité.

Depuis le gap of Dunloe, nous avons fait un bout de chemin, zigue-zaguant entre les comtés, du Kerry nous sommes rentrés dans Limerick, puis Clare, toujours à la frontière de l'un ou l'autre.

Notre première destination à été Dingle. Nous avons eu la chance de nous arrêter chez Marie-France, pour une rencontre placée sous le signe de la cuisine, et du Drum-Festival. On a pu savourer nos grosses pintes de Guinness et de Smithwicks au son des tambours. Guinness et Smithwicks, la première est aussi noire que l'autre est rousse. Pas un choix pour un Irlandais. Alors que nous cherchions la chaleur, encore espérée, à Cork dans un pub du centre ville, la discussion a tourné sur les coutumes : « Une Smithwicks ?, une Ale de Teenager, mais la Stout c'est plutôt pour l'hiver. Moi ? Bulmer's du cidre Irlandais. »

Le problème c'est qu'à Dingle on crache sur le cidre au sucre ajouté, re-gazéifié. « Moi je ne boirais pas ça me dit mon voisin. »

Du coup faute de pouvoir trouver une Franciscan, une autre Ale trouvée a Clonakilty ( seulement 25 pubs ! ), je reste à la Smithwicks et Laurie commence à apprécier la Guinness. Elle a même les moustaches de mousse après chaque golée. Bientôt sur une carte postale en sortant du Foxie Jones ?

Le Foxie Jones à Dingle, on est tombé dessus par hasard. Je cherchais un nouveau porte bagage pour mon vélo, je vois un magasin de pièces détachée, je pousse la porte et dans la pénombre de l'intérieur, presque une dizaine d'Irlandais pivotent sur leur tabourets et me regardent, presque aussi surpris que moi. Devant les tabourets un beau comptoir avec un barman derrière. Échange de salutations. Pas le temps de demander mon porte bagage, notre plus proche voisin commence, puisque nous sommes Français, à nous parler de The Returned, la série française qui à l'air de cartonner ici. A Dingle ,magasin de vélo, cordonnier, boutique de vases en cristal, dès qu'il y a un toit pour l'abriter on est à peu près sûr de trouver un bar ou un Coffee-shop.

Après Dingle nous en avions un peu marre du monde, voir trois ou quatre bateaux remplis de monde encercler Fungie le dauphin semi-apprivoisé de la baie nous à un peu mis mal à l'aise. Du coup nous avons filé vers la Shannon. On retrouve l'ambiance fluviale laissé en au bord de la Loire. Le fleuve alterne les courbes entre les collines et les lacs. L'eau est presque tiède quand dans l'après-midi on fait des pauses pour se baigner. Grande baie où passent quelques petits pétroliers, jolis rapides, eaux noires tachetées de nénuphars. L'office du tourisme de Limerick nous a prévenu : « Nothing main ! » Mais ça nous plaît. On retrouve les petites routes de campagne, les gens sont curieux de nous voir passer et les automobilistes nous font tous un petit signe du doigt ou de la tête. Le signe de la tête, en oblique, petit rictus aux lèvres, est un peu curieux. Au début on se demandait ce que les gens voulaient nous dire. Ça ressemblait plus à un truc du genre « pas cool ... » ou « tant pis … ». mais on commence à prendre le coup. Je m'entraîne sur le vélo, j'entends Laurie qui rigole en me voyant bouger la tête. J'essaie dans les deux sens, j'ai l'impression qu'il y en a bien un mais je sais jamais lequel. J'essaie au hasard des petits vieux sur le bord de la route. Assis à l'ombre de leur toit, le dos au mur.

En quittant la vallée de la Shannon vers les Burren, on en croise des petits vieux, justement. En haut d'un petit col pas très raide, deux bâtiments de béton sans charme, blancs. Seuls sur cette route entre les haies qui ont laissé place aux parkings. Ils se font presque face : d'un côté le McNamara's bar, de l'autre un garage. Peut être le Lough Graney Garage ou probalement le Sullivan's, ou le Connor's garage. Contre le mur du garage, deux petits vieux, l'un est torse nu, l'autre à gardé la chemise à carreaux. Est-ce que ce sont les deux patrons ? Qui se rejoignent et passent l'après-midi à compter les voitures ? On leur fait un signe et ils nous répondent. En descendant on rigole en les imaginant la tête encore tournée sur notre dos, toujours silencieux, chacun méditant sur les deux extraterrestres qui viennent de passer à vélo avec un Sheep-dog dans la remorque.

Est-ce qu'il à l'air si snob que ça dans son cabriolet ? On nous demande régulièrement si on ne devrait pas lui mettre une ombrelle contre le soleil !

Le soleil tapait bien fort quand on a longé le Lough Bunny. On était entourés de lapiaz, les graminées seulement dépassaient de ce semi désert de calcaire. Les reflets ont du attirer notre regard, les quelques voitures arrêtés aussi. La nappe phréatique ressort par endroit et un lac retenu par un dépôt blanchâtre s'allonge presque au bord de la route. Ambiance Caraïbes, ou salar d'Uyuni, au choix. C'est un peu surréaliste de se baigner la dedans. Les quelques nuages au milieu du ciel bleu se reflètent dans le miroir du lac. Nothing main, mais une bonne surprise de la route.

Le Lough Bunny c'était hier. Aujourd'hui on a eu du main. Ça doit lui plaire à la blonde de l'office. Les sentiers bétonnés bien rectilignes, le visitor center bien rempli de pulls, de casquettes, de mugs et de T-shirts verts, les bus commissionnés qui défilent en ordre pour rameuter leurs ouailles vers d'autres magasins plus loin, l'eau chaude dans les robinets des toilettes pour pousser à aller vers le restaurant acheter un coca. Les falaises de Moher. Dans toute la grandeur du tourisme organisé. Pour notre petite satisfaction personnelle, assis de l'autre côté des barrières, nous avons passé un bon moment à regarder les macareux faire des atterrissages houleux sur les vires herbeuses en contrebas.

La marée est redescendue. On voit un autre genre de rocher apparaître. Encore plus découpé, creusé, pilonné par la houle mauve du couchant. Demain nous devrions être à Galway.

Côte après Doolin, le 21 Juillet.

Amatrice de Stout au travail, Lough Bunny, aux jumelles dans le Burren, camping dans le Burren, Atelier d'écriture.

Reflets vers le Gap of Dunloe, Péninsule de Dingle, Libellules auw Shannon Rapids, Scarriff Harbour x 2, Maison abandonnée, Cliffs of Moher.